Tout n’est pas rose en bourgogne !

L’édition Hors-Série n° 31 de la Revue du Vin de France se penche sur la Bourgogne et les défis auxquels doivent faire face les prestigieuses Côtes de Beaune et Côtes de Nuits : les accidents climatiques, la flambée des prix du foncier, la maladie et le vieillissement de ce vignoble millénaire. Sous des dehors plutôt sympathiques et positifs – les amateurs apprécient les vins qui n’ont jamais été aussi bons, le classement des climats à l’Unesco est un plus indéniable – les zones d’ombre se sont multipliées : les prix des vins ont doublé en quelques années et la clientèle tique ; les petites récoltes engendrent des tensions dans le vignoble ; le gel, les orages, la grêle cristallisent les rancœurs de certains vignerons touchés vis-à-vis de ceux qui ont échappé aux affres de la météo. La prospérité du vignoble bourguignon a eu pour conséquence l’augmentation du prix du foncier dans les prestigieux villages : ainsi, dans les grands crus comme Montrachet, l’hectare de vigne dépasse les quarante millions d’euros, ce qui est déconnecté de toute logique économique. Le propriétaire du domaine de la Pousse d’or à Volnay, Patrick Landanger, est un observateur avisé de l’inflation du foncier. Ancien industriel, il a vendu une grande partie de son activité pour devenir vigneron. Il a acheté le domaine en 1997 : dix millions d’euros pour les treize hectares de premiers crus. Et depuis, « cela n’a pas arrêté de flamber ! » En 2007, il a acheté pour sept millions d’euros les trois hectares et demi des premiers et grands crus du domaine Moine-Hudelot à Chambolle-Musigny. Aujourd’hui, ce domaine vaut près de dix fois plus. C’est complètement fou, conclut Patrick Landanger. Même en vendant les bouteilles extrêmement chères, on ne peut pas rentabiliser les vignes à ces prix-là. On ne s’étonnera donc pas que la transmission des domaines vit une période extrêmement, sinon excessivement, difficile. Un vignoble, cela s’entretient. Mais à cause de la flambée du prix des terres, cet entretien bat de l’aile : le renouvellement des pieds de vigne est de moins en moins fréquent, car arracher une vigne signifie une absence de production pendant plusieurs années. Impensable ! Résultat : les vignes situées dans les grands et premiers crus vieillissent, et pas toujours très bien. Découlant des prix démentiels pratiqués dans les appellations les plus prestigieuses, les jeunes vignerons optent pour des zones moins soumises à la spéculation : les Hautes-Côtes, la Côte chalonnaise, le Mâconnais où l’hectare de vigne reste abordable. Pour ceux qui désirent demeurer autour de Beaune ou Nuits-Saint-Georges mais manquent de moyens financiers, il reste la possibilité de créer son propre négoce et d’acheter les raisins. Nous laisserons la conclusion à Sébastien Caillat, qui dirige avec son épouse Florence, le domaine Lamy-Pillot : « Nous sommes propriétaires du domaine, mais pas des vignes. Il nous est impossible de les racheter aux parents de Florence. Si bien que nous restons leurs fermiers. J’ai l’impression que le vignoble bourguignon évolue vers un système à l’américaine : le foncier sera détenu par des banques, des investisseurs privés et des fonds de pension plus par des vignerons. Demain, une bonne part du prix d’une bouteille servira à rembourser le fermage du foncier aux investisseurs.»

Syrahier

(D'après une enquête réalisée par Jérôme Beaudouin, La RVF - Hors-Série - Novembre 2016)

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